Villes Béninoises et Développement : Quelles sont les facteurs qui limitent l’attractivité ?
Au Bénin, quelques noms de villes brillent de mille feux : Cotonou, Porto-Novo, Abomey-Calavi et Parakou sont souvent citées comme les principales destinations économiques. Pourtant, derrière cette lumière éclatante se cachent de nombreuses autres villes, riches en potentiel mais souvent négligées.
La récente réforme sur la décentralisation a mis en avant cette réalité, en accordant un statut particulier à ces quatre villes. Concentrant une grande partie des activités économiques et de la richesse nationale, elles semblent monopoliser l’attention, reléguant les autres régions au second plan.
Pourtant, des villes telles que Djougou, Lokossa, Bohicon, Natitingou regorgent également de potentiel. Le Programme d’Action du Gouvernement souligne d’ailleurs les points forts de chaque région, mais la réalité est que pour de nombreux Africains et citoyens du monde entier, le Bénin se résume souvent à ses trois grandes villes du Sud, parfois accompagnées de Parakou.
Ce constat nuit à l’attraction des investissements dans les autres régions, compromettant ainsi le développement national et partagé tant attendu. Nous explorons les facteurs qui limitent l’attractivité des villes béninoises et leurs implications sur le développement équilibré de tout le pays.
Méconnaissance du marketing territorial et manque de ressources humaines qualifiées dans la discipline
Dans le langage courant au Bénin, le terme « ville » est souvent assimilé à celui de « commune », en particulier celles à statut particulier ou intermédiaire. Cette perception, bien que largement répandue, occulte la complexité du développement urbain, dépendant à la fois des politiques nationales et locales.
Malheureusement, après 20 ans de décentralisation effective, le développement des villes béninoises se heurte à de nombreux obstacles. Parmi ceux-ci, le manque de connaissance en marketing territorial et le déficit de ressources humaines qualifiées dans ce domaine sont particulièrement préoccupants.
Dans un monde globalisé et numérisé, les communes béninoises doivent repenser leur attractivité à travers une communication efficace. Cela nécessite une compréhension approfondie des principes du marketing territorial, malheureusement absente dans de nombreux cursus de formation, y compris à l’École Nationale d’Administration.
Ce problème n’est pas spécifique au Bénin ; dans d’autres pays africains, comme en témoigne le rapport sur le projet de développement économique de la région Dakar-Rufisque-Diamniadio, la méconnaissance du marketing territorial a été une difficulté majeure au cours de la planification.
En effet, « Dès le lancement du projet, la première difficulté a tenu à la méconnaissance locale des sujets de l’attractivité et du marketing territorial par les partenaires institutionnels du projet, par la plupart des acteurs socio-économiques locaux, et plus encore par les habitants ».
Malheureusement, les facteurs responsables du désintérêt autour des villes africaines en général et béninoises particulier ne s’arrêtent pas là.
Promotion sectorielle des potentialités au Bénin : Entre espoirs et réalités
La promotion sectorielle des potentialités représente un effort significatif de la part du gouvernement béninois pour stimuler le développement économique. Cependant, au niveau local, les communes se retrouvent souvent avec des ressources limitées pour financer de grands projets. Elles comptent donc sur les réformes de l’État et les initiatives de soutien pour progresser.
Le plan d’action du gouvernement pour la période 2021-2026 détaille une série de projets dans divers secteurs :
- Construction d’une centrale thermique de 140 MW à Glo-Djigbé : 130 milliards FCFA ;
- Accès durable et sécurisé du Bénin à l’énergie électrique : 229 milliards FCFA ;
- Développement des filières lait, viande, œufs de table : 34 milliards FCFA ;
- Programme National de Développement des Plantations et des Grandes Cultures (PNDPGC) : 500 milliards FCFA ;
- Construction et équipement du centre hospitalier universitaire de référence à Abomey-Calavi : 74 milliards FCFA ;
- Reconstruction à l’identique de la cité historique de Ouidah : 39 milliards FCFA ;
- Aménagement d’une station balnéaire d’exception à Avlékété : 183 milliards FCFA ;
- etc.
Bien que chacun de ces projets vise à améliorer la gouvernance, transformer l’économie et accroître le bien-être des communautés, ils semblent souvent dispersés et fonctionnent avec des ressources propres ce qui peut initialement susciter de l’intérêt, mais finalement ne pas générer un grand engouement autour des communes, en particulier celles qui ne bénéficient pas de nombreux projets attrayants.
Aussi paradoxale que cela soit, un programme d’action du gouvernement ou un plan local de développement avec autant de bonnes initiatives peut laisser pour compte certaines régions (dans le cadre d’une initiative étatique) ou milieu (initiative communale).
Faible valorisation des talents locaux
La faible valorisation des talents locaux en Afrique constitue un obstacle majeur à l’attractivité et au dynamisme des villes du continent. Cette problématique trouve ses racines dans l’héritage colonial, qui a profondément influencé la mentalité collective en instaurant l’idée que tout doit venir de l’extérieur. Cette perception sociologique et historique a conduit à une sous-estimation des talents locaux et à une faible consommation des produits locaux.
La situation se reflète davantage dans le manque de reconnaissance des ressources humaines locales, souvent reléguées au second plan. Les talents locaux, pourtant remplis de potentialités et ayant une connaissance approfondie de leur environnement, sont peu sollicités dans leur propre pays. En conséquence, de nombreux jeunes talents se tournent vers d’autres horizons à la recherche de meilleures opportunités, privant ainsi les villes africaines d’un capital humain précieux.
Un exemple concret de cette réalité est observé au Bénin et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, où un nombre record d’étudiants choisissent de poursuivre leurs études en France chaque année, dépassant les 7000 candidatures depuis 2021. Cette tendance témoigne de l’insuffisante valorisation des compétences locales et de l’attrait exercé par les opportunités à l’étranger.
Cette situation affecte également d’autres secteurs de la société, laissant les villes dans un état précaire, sans cadre ni initiative réelle pour la promotion des ressources et l’attraction des investisseurs.
Mauvaise gestion de l’image et résistance au changement : des obstacles au développement urbain en Afrique
La gestion de l’image et la résistance au changement constituent des défis majeurs entravant le développement des villes africaines. Pendant longtemps, le récit dominant sur le continent et ses habitants a été celui d’une population barbare et ignorante. Bien que ce discours ait commencé à évoluer grâce à la contribution d’intellectuels, d’artistes, de politiciens et d’acteurs économiques, il persiste encore un manque d’efforts pour redorer l’image des villes africaines en tant que lieux de paix et de richesse intellectuelle et culturelle.
Au Bénin, par exemple, le gouvernement a entrepris une stratégie visant à changer la perception négative du vodoun, souvent mal compris dans le monde entier, en une dynamique culturelle suscitant l’intérêt, comme en témoigne l’organisation du festival Vodoun Days. Malgré ces efforts, la gestion de l’image des villes reste un défi, nécessitant une approche plus proactive pour promouvoir les aspects positifs et distinctifs de chaque communauté.
Quant à la résistance au changement, elle est souvent alimentée par la perception que toute nouveauté est irréaliste ou trop coûteuse pour être mise en œuvre. Les initiatives novatrices sont souvent rejetées en raison de contraintes budgétaires et de la peur de perturber les habitudes établies, ce qui contribue à perpétuer la monotonie et à freiner le progrès urbain.